Philanthropie

La donation d’usufruit temporaire au service d’une action philanthropique

Le 15/12/2021
Pour concilier les enjeux de gestion optimisée et d’investissement responsable, il est possible de recourir à une donation d’usufruit temporaire. Qu’il porte sur un bien immobilier ou sur des parts de sociétés, le mécanisme du démembrement de propriété permettra au donateur de détenir développer, pendant une période donnée, un patrimoine non taxable. Les explications d’Adeline Ravion-Rykaert, ingénieur patrimonial au sein de la Banque Privée BPE.

Le démembrement temporaire de propriété n’est pas à exclure dans un cadre philanthropique.

Quelles sont les conditions pour consentir une donation d’usufruit temporaire au profit d’une association ou d’une fondation ?

Adeline Ravion-Rykaert : Au préalable, il est important de comprendre le mécanisme. Le droit de propriété que l’on détient sur un bien immobilier ou sur des parts d’une société peut faire l’objet d’un démembrementVendre un bien démembré et après. Il permet à des personnes (le nu-propriétaire et l’usufruitier) d’exercer des droits différents sur le bien : l’usufruitier peut l’utiliser et en percevoir les revenus ; le nu-propriétaire peut en disposer, sans nuire aux droits de l’usufruitier, en le vendant ou en le donnant. La donation d’usufruit temporaire permet à un particulier de céder l’usufruit d’un bien à une autre personne pour une durée convenue entre les parties qui sera comprise entre 3 ans et 30 ans.

Pendant cette période, et selon la nature du bien objet de la donation, l’usufruitier peut occuper un bien. Il peut percevoir les revenus locatifs issus d’un actif immobilier ou les dividendes s’il s’agit d’un portefeuille de titres ou de droits sociaux. Au terme de la convention, le nu-propriétaire retrouve la pleine propriété du bien, sans conséquences fiscales particulières.

Dans le cadre familialComment organiser la transmission de son patrimoine, ce montage est souvent utilisé pour subvenir aux besoins d’un enfant. Il peut s’inscrire également dans le cadre d’une action philanthropique. L’acte est alors consenti au profit d’une fondation ou d’une association reconnue d’utilité publique, d’une association de bienfaisance, d’un établissement de recherche ou d’enseignement supérieur (ou artistique) à but non lucratif.

Pour être mise en place, la donation d’usufruit temporaire doit être réalisée par acte authentique (notarié), porter sur des actifs (biens, titres, droits) contribuant à la réalisation de l’objet de l’organisme bénéficiaire et permettre à l’usufruitier d’exercer ses droits sans limitation.

Quels sont les avantages d’une donation d’usufruit temporaire pour le donateur ?

La donation d’usufruit temporaire est un moyen de faire preuve de générositéMettre son patrimoine au service des autres sans s’appauvrir définitivement. En cédant temporairement le bien, elle permet de maîtriser le moment auquel on souhaite percevoir des revenus. Par exemple, lorsque l’on n’en a pas besoin ou qu’ils génèrent des charges trop importantes. Autre intérêt : le nu-propriétaire est libéré de la gestion locative du bien. L’entretien, les frais de syndic, l’assurance habitation et la taxe foncière… incombent dorénavant à l’usufruitier.

Sur le plan fiscal, si la donation porte sur un actif immobilier détenu en direct ou par l’intermédiaire d’une société (SCI ou SCPI), elle permet de:
- limiter l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux par la non-perception des revenus tirés du bien (loyers ou dividendes) et générer une économie d’impôt sur le revenu qui peut aller jusqu’à 66,2 % s’il s’agit de revenu foncier ou 34 % s’il s’agit de revenus mobiliers;
- réduire l’assiette taxable à l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Dans ce cas, le nu-propriétaire est dispensé de déclarer le bien à l’actif. Selon la tranche dans laquelle se trouve le contribuable, l’économie peut se chiffrer entre 0,50 % et 1,50 % de la valeur du bien. Pour un bien d’une valeur de 500 000 €, il s’agit d’une économie d’IFI comprise entre 2500 € et 7 500 € par an.
En revanche, la donation d’usufruit temporaire à une association reconnue d’utilité publique ne permet pas de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu ou sur l’IFI, comme c’est le cas pour les dons à certains organismes.

À noter qu’en cas de décès du nu-propriétaire avant le terme de l’usufruit temporaire, ses héritiers ne seront pas taxés sur la valeur de l’usufruit. L’usufruit temporaire est estimé à 23 % de la valeur de la pleine propriété non fractionnable pour chaque période de 10 ans. Autrement dit, même si la durée de l’usufruit temporaire est de quelques mois, la nue-propriété transmise sera évaluée à 77 % de la valeur en pleine propriété.

Quels sont les avantages et les inconvénients d’une donation d’usufruit temporaire pour l’organisme donataire ?

Selon la nature de la donation, l’organisme dispose d’une visibilité quant à ses ressources dans le temps : visibilité financière s’il reçoit un actif financier ou immobilier qui génère un revenu, ou visibilité matérielle s’il s’agit d’un bien immobilier qu’il utilise pour son propre fonctionnement ou dans le cadre de ses missions.
L’inconvénient est que ce type de donation est, en principe, soumis aux droits de donation au taux de 60 %. Toutefois, si l’association est reconnue d’utilité publique, le taux est réduit à 35 % jusqu’à 24 430 €, puis à 45 % au-delà. En outre, si l’organisme affecte ses ressources à certaines activités, il peut bénéficier d’une exonération totale de droit de mutation à titre gratuit.
Cela concerne, notamment, les associations reconnues d’utilité publique dont les ressources sont affectées à des œuvres d'assistance (orphelinats, défense des animaux...) mais aussi les fonds de dotation ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, humanitaire, culturel…

Avant d’accepter la donation, l’organisme vérifie le caractère substantiel de l’usufruit et s’assure qu’il contribuera à l’exercice de ses missions. Il pourra décider de déléguer une partie de ses pouvoirs d’usufruitier (participation aux assemblées, etc.) à un mandataire ou au nu-propriétaire.

Quelles sont les précautions à prendre pour éviter des déconvenues avec une donation d’usufruit temporaire ?

La donation étant temporaire mais irrévocable, l’extinction de l’usufruit avant son terme est impossible, sauf en cas de non-respect des conditions de la donation par l’usufruitier. Il est donc conseillé d’envisager la donation sur une durée de 3 ou 5 ans puis de la renouveler à son terme.

Concernant la réserve héréditaire, les enfants, recevant une partie de leur réserve grevée d’un usufruit, pourraient exercer une action en réduction si la valeur du bien, objet de la donation, excède la quotité disponible.

En outre, la donation d’usufruit temporaire peut être remise en cause par l’administration fiscale sur le fondement de l’abus de droit. L’opération doit être motivée par la volonté du donateur de poursuivre un « objectif charitable valable et non négligeable en permettant à l’organisme de bénéficier d’un rendement financier régulier sur la période de l’usufruit*». Il est donc impératif pour le donataire de réellement percevoir les fruits de l’actif donné et pour le donateur de se ménager la preuve de son intention philanthropique.

 

*Source : BOFIP BOI CF IOR 30 20 du 31 janvier 2020

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