Dirigeants d'entreprise

Le mandat de protection future a-t-il un intérêt ?

Le 21/04/2021
Vous êtes dirigeant opérationnel propriétaire de votre entreprise, connaissez-vous les mesures préventives à ne pas négliger pour préserver votre entreprise en cas de coup dur ? Nos ingénieurs patrimoniaux vous exposent dans cette série de 3 articles les outils de pilotage à votre disposition pour stabiliser la trajectoire de votre entreprise en cas de turbulence.

Check List 1/3 : Choisissez votre co-pilote avec le mandat de protection future.


Diriger son entreprise, c’est bien souvent concentrer les responsabilités, la prise de décision, assumer une importante charge de travail assortie d’un risque patrimonial personnel et être assigné à un rôle social. Ces vecteurs de réussite peuvent aussi renforcer un sentiment d’isolement notamment en cas de turbulence économique et/ou personnelle.
Si l’exercice est souvent solitaire, 91 % des dirigeants identifient dans leur entourage au moins une personne de confiance. Il peut s’agir d’un salarié, d’un membre de la famille ou d’un associé.
C’est un point fort en cas de coup dur : si le dirigeant se trouve empêché durablement de poursuivre son activité par un accident ou une maladie, l’entreprise peut s’appuyer sur quelqu’un qui avait sa confiance. Mais le juge des tutelles l’entendra-t-il ainsi ? Et avec suffisamment de célérité pour que cette personne se voit confiées les commandes de l’entreprise en pleine turbulence ?


Agir pour soi avec le mandat de protection future

Le mandat de protection future reste peu usité bien qu’il soit potentiellement utile à tous, dirigeants ou familles, pour de multiples raisons.
De préférence notarié, cet acte permet à celui qui le signe de désigner un ou plusieurs mandataires pour le représenter en cas d’accident de la vie (maladie, accident) entraînant une atteinte des facultés mentales ou une invalidité physique rendant impossible de pourvoir seul à ses intérêts ou d’exprimer sa volonté. La personne désignée étant alors chargée, non pas de gérer l’entreprise mais de gérer le patrimoine du mandant.

 

  • Pourquoi est-ce utile ?

En l’absence de mandat de protection future, ce sont les règles habituelles de la tutelle qui s’appliquent. Du simple fait de sa mise sous tutelle le dirigeant est de fait dans l’impossibilité légale d’exercer son mandat social. L’entreprise se retrouve sans pilote. Il faudra se référer à la loi et aux statuts de la société pour désigner un nouveau dirigeant.
C’est  le tuteur une fois nommé qui pourra représenter le dirigeant frappé d’incapacité en tant que propriétaire des titres de l’entreprise. Il convoquera l’Assemblée Générale selon les statuts et votera la désignation d’un nouveau dirigeant. Au-delà du questionnement sur la compétence du tuteur désigné et la pertinence de son choix, c’est l’incertitude sur le délai nécessaire au processus qui peut porter préjudice au bon fonctionnement de l’entreprise dans une période agitée.

  • Maîtriser « qui » et « quand »

Le mandat de protection future est pour le dirigeant-propriétaire un moyen d’imprimer à l’avance sa marque sur des décisions majeures pour la continuité de l’entreprise en cas d’accident ou de maladie entraînant son incapacité.
Dans une période critique durant laquelle il serait normalement empêché d’exprimer sa volonté, il mandate un tiers de confiance pour le représenter et accélérer le processus de désignation d’un nouveau dirigeant.
Un travail d’audit préalable sera nécessaire pour une mise en place fine. La participation des professionnels (expert-comptable, avocat, notaire) qui accompagnent le dirigeant  sera précieuse. En effet, il sera souvent nécessaire d’harmoniser les statuts et le mandat de protection future. Le mandataire représentera le dirigeant-associé empêché et votera alors la nomination du dirigeant nouveau sur la base des orientations de vote exprimées le cas échéant dans le mandat.

Le mandat de protection future en pratique


Créé en 2009, le mandat de protection future ne rencontre pour le moment qu’un succès d’estime avec 4 600 mandats en cours. Les Français n’en ayant pas connaissance ou préférant peut-être ne pas aborder ce sujet et s’en remettre au cadre moins souple de la tutelle, curatelle ou de l’habilitation familiale.
Il offre pourtant un cadre sécurisé pour maîtriser sa propre protection juridique en cas de maladie ou d’accident entraînant une incapacité physique ou d’expression de sa volonté.
Cette difficulté peut être accrue pour qui aurait du mal à envisager sa propre faillibilité. L’enjeu saisi et le tabou dépassé, le dirigeant prévoyant s’appropriera cet outil personnalisable et peu coûteux pour reprendre sereinement la conduite de ses affaires.


Un outil largement modulable et personnalisable


Le mandat de protection future jouit d’une grande liberté de rédaction. Il est co-signé par celui qui envisage de donner mandat (le mandant) et celui qui l’accepte (mandataire). L’acte peut prévoir des mesures personnalisées de protection du patrimoine et de la personne tout comme une éventuelle rémunération du mandataire.
Les pouvoirs de celui-ci pourront être d’autant plus étendus que le mandat de protection future sera notarié. Le notaire étant chargé de vérifier les comptes de gestion du mandataire. Le juge des tutelles gardant toujours le contrôle sur les actes patrimoniaux importants comme des donations à consentir, des modifications de testament ou de clauses bénéficiaires d’assurance-vie. Dans ces limites, la plus grande liberté est laissée au mandant.

Le rédacteur pourra prévoir que l’action et les décisions du mandataire seront contrôlées par exemple par un conseil composé d’héritiers et d’associés. Il pourra personnaliser le mandat en y ajoutant de précieuses indications relatives au choix des dirigeants et à la conduite des affaires de l’entreprise.


Une mise en œuvre simplifiée


Pour rendre le mandat effectif, le mandataire doit se présenter au greffe du Tribunal d’Instance accompagné lorsque cela est possible du mandant. Il remet l’original du mandat de protection future accompagné d’un certificat médical d’incapacité du mandant établi par un médecin habilité par le Procureur de la République. Il justifie de son identité et de son adresse.  L’acte prend effet à compter de la présentation de l’acte au greffe qui vérifie, paraphe et valide le mandat.
Le mandataire devient responsable des actes qu’il réalise selon les prescriptions du mandat. La situation est dé-judiciarisée : le mandataire reste en pleine capacité juridique.
Le mandat peut prévoir plusieurs mandataires successifs pour le cas où le premier serait empêché ou renoncerait. Il prend fin par le décès ou le rétablissement du dirigeant.
L’intérêt majeur du mandat de protection future est de supprimer le délai et l’aléa de traitement de l’autorisation du juge des tutelles par une rédaction minutieuse et de stabiliser la continuité de l’entreprise.

Articles à suivre :
Check list 2 : Faites appel à la tour de contrôle si besoin avec le mandat posthume
Check list 3 : Transmettez votre entreprise en duty free avec le pacte Dutreil

 

(1) Source : Etude « Vaincre les solitudes du dirigeant » le lab BPI France nov.2016 https://lelab.bpifrance.fr/Etudes/vaincre-les-solitudes-du-dirigeant (2) Selon le rapport sur l’évolution de la protection juridique des personnes remis le 21 septembre 2018 à la Chancellerie et à la ministre des Solidarités et de la Santé