Focus marché

FLASH INFO pour nos clients en gestion sous mandat - Les marchés suspendus aux nouvelles des fronts sanitaires

Le 02/04/2020 par Rachid Medjaoui
Nous vous proposons dans ce flash de faire le point sur les marchés financiers, dont le sort reste très lié à l’évolution de la crise sanitaire, de vous communiquer les principales informations relatives aux opérations de gestion financière que nous avons réalisées pour adapter les portefeuilles, ainsi que les orientations stratégiques que nous pourrions mettre en œuvre dans les prochains jours ou semaines.

1. Où en est-on des différents aspects et impacts de cette crise sanitaire et économique ?

Nos nations, nos économies et les marchés financiers doivent simultanément faire face à au moins quatre incertitudes majeures :

Stress et interrogations tout d’abord sur la hauteur et sur les calendriers du pic épidémiologique et du retour à la normale pour les pays qui sont encore dans l’œil du cyclone viral. Aux nouvelles plutôt rassurantes venant d’Asie, aux lueurs d’espoir qui semblent percer dans les pays européens les plus touchés, s’oppose le manque de visibilité sur l’évolution de cette pandémie sur le territoire de la première puissance économique mondiale, les Etats-Unis.

Incertitudes en second lieu sur l’ampleur de l’impact sur la croissance économique mondiale de cette crise sanitaire. Compte tenu des mesures de confinement et de l’arrêt de la circulation internationale des personnes et dans une moindre mesure des biens, aucun pays n’échappera à une récession sévère au premier semestre. Pour autant, il est difficile d’estimer les pertes de croissance tant les repères des précédentes crises sont peu pertinents. Les instituts officiels de statistiques ont dû innover pour tenter de chiffrer ces impacts. L’INSEE, grâce à une approche novatrice, a estimé qu’un mois de confinement pourrait coûter jusqu’à 12 points de PIB à la croissance française. Les marchés ont bien entendu intégré des scénarios de récession, et donc de chute des profits, pour l’ensemble des économies. Cependant, il existe des écarts de prévision non négligeables au sein du consensus des économistes et des analystes financiers. Cette dispersion contribuera à maintenir un niveau de volatilité élevé sur les marchés financiers, synonyme de risques mais également d’opportunités d’investissement.

Craintes ensuite d’une crise de solvabilité. Plombés par l’effondrement de la demande mondiale, liée à la crise sanitaire, et par la guerre des prix entre l’Arabie Saoudite et la Russie, les prix du pétrole ont chuté de 63% depuis le début de l’année. Ce véritable contre choc pétrolier menace de pousser à la faillite nombre de producteurs de pétrole de schiste Outre-Atlantique qui risquent d’être incapables d’honorer le remboursement de leurs créances bancaires et surtout de leurs emprunts obligataires.  Conscient des risques que cette situation fait peser sur son économie et sur son système financier, Washington cherche à endiguer la chute des prix de l’or noir, en tentant, notamment, d’organiser un cartel avec l’Arabie Saoudite et la Russie, mais manifestement sans succès jusqu’à présent. N’oublions cependant pas que de l’énergie bon marché est globalement positive pour la croissance mondiale même si les gains de pouvoir d’achat pour les pays consommateurs sont limités à court terme par les confinements.

Apparition enfin de prémisses d’une crise de liquidité, pour cause de forte demande pour le dollar américain, et d’illiquidité suite à une nette réduction des volumes de transactions sur certains marchés comme celui par exemple des obligations privées. La Réserve Fédérale a cependant très vite calmé les craintes de pénurie de billets verts en mettant à la disposition des autres banques centrales des montants significatifs de dollars via un mécanisme d’échanges croisés de devises («swap»).

2. Doit-on continuer de penser que ce choc économique sera transitoire ?

Contrairement aux épisodes classiques de crise économique, cette récession, qui va être sévère, n’est liée ni à un déséquilibre conjoncturel, comme un excès d’investissement ou un choc d’inflation, ni à un désastre climatique. Dit autrement, dès le relâchement des mesures de confinement et la reprise des échanges internationaux, la croissance repartira. Bien entendu, le calendrier du rebond de l’activité économique sera différent selon les pays : dès le second trimestre pour la Chine et seulement à partir du troisième trimestre pour l’Europe et les Etats-Unis. Les interrogations portent donc plutôt sur l’ampleur de la reprise de la conjoncture. Après avoir anticipé un scénario en « V » (rebond à la hauteur de la chute), les marchés s’attendent dorénavant plutôt à une dynamique en « U » du cycle économique mondial. Ces prédictions risquent bien entendu de varier au cours du second trimestre en fonction des nouvelles venant des fronts sanitaires et du degré d’efficacité des plans massifs de soutien économique et financier. Ces informations seront les principaux catalyseurs des phases de pessimisme et d’optimisme sur les marchés financiers.    

3. Les réactions des autorités monétaires et budgétaires sont-elles suffisantes ?

Si la très grande majorité des Etats a tardé à prendre la mesure de cette crise sanitaire, et donc à réagir préventivement, en revanche, ils ont tous été très pro actifs s’agissant des mesures de soutien économique et financier. Non seulement les décisions des banques centrales et des gouvernements ont été très rapides, comparativement aux atermoiements observés lors de la crise de 2008/2009, mais surtout elles semblent cohérentes au regard du type de choc subi par les économies. En effet, les mesures déjà prises, et celles à venir, ont un objectif ultime : compenser, quoi qu’il en coûte, la perte de revenus des ménages et des entreprises pour cause de « couvre-feu » économique généralisé. Bien entendu tous ces plans colossaux n’empêcheront pas une récession profonde. En revanche, ils sont indispensables pour assurer le rebond de la croissance une fois le confinement levé et le retour à la normale. 

Si donc une crise économique sévère mais transitoire est inéluctable, il faut absolument éviter qu’elle ne provoque, ou s’accompagne, d’une véritable crise financière. Les programmes de rachats d’actifs des banques centrales (« Quantitative Easing »), qui ont été très fortement abondés (+ 870 milliards d’euros pour celui de la BCE), sont des remparts sérieux et crédibles pour empêcher que les coûts de financement sur les marchés de dette publique et privée ne s’envolent, notamment pour les Etats et les entreprises jugés fragiles. Les bourses actions, qui ont battu tous les records historiques quant à l’ampleur mais surtout quant à la rapidité de la baisse, semblent vouloir se stabiliser (le CAC 40 a même réussi à rebondir de 20% en quelques séances de bourse après avoir perdu jusqu’à 40% par rapport à ses plus hauts de février).  

4. Ce rebond des bourses est-il solide et surtout durable ?

La panique des bourses tient en grande partie à la prise en compte soudaine de l’impréparation des Etats face aux défis posés par cette pandémie. Les ventes forcées, pour cause d’envolée des indices de volatilité, des fonds et stratégies algorithmiques ont bien entendu contribué à amplifier ce mouvement de panique. Nous pensons que ces acteurs très pro cycliques, à la hausse comme à la baisse, ont dorénavant beaucoup moins de « munitions » pour renforcer la baisse en cas de nouveau pic de la volatilité. C’est là un facteur technique très important. Il nous incite à penser qu’au-delà de la volatilité qui va encore persister, et donc de probables secousses transitoires, les risques d’avoir un nouveau décrochage, qui pousserait les bourses à enfoncer leurs points bas du 20 mars, nous semblent dorénavant limités. Nous sommes vigilants quant aux fortes révisions encore à venir sur les profits et les niveaux de dividendes. Pour autant, il nous semble qu’il n’y a plus de déni de la part des investisseurs quant à l’ampleur de ces ajustements attendus. Nous avons identifié le risque lié à l’arrêt des rachats de leurs propres actions par les sociétés (« share buy backs »). Ce phénomène a été un moteur significatif de la hausse de Wall Street ces dernières années. Mais nous pensons que la repondération des fonds de pension, qui devrait compenser (rebalancer) la dilution de la poche action de leurs portefeuilles pour revenir sur leur allocation de long terme (autour de 60%), doit être également prise en compte dans l’équation globale du marché.       

A côté de ces facteurs fondamentaux et de flux, la crédibilité des Etats quant au « contrôle » de cette pandémie sera également cruciale pour maintenir un niveau de confiance satisfaisant dans la communauté des investisseurs. Tout doute, notamment sur la vraisemblance des calendriers annoncés des pics épidémiologiques, risquerait de faire rechuter lourdement les bourses et de renchérir les taux de financement des entreprises sur les marchés obligataires. Cela aurait notamment pour conséquence d’obliger les Etats à gonfler encore plus leur dette, pour soutenir les agents économiques, et les banques centrales à davantage muscler leur programme de rachats d’actifs sans garantie de réussite cette fois-ci sauf à envisager d’acheter des titres obligataires de mauvaise qualité voire peut-être même des actions (la Bank Of Japan le fait déjà depuis 2013).

5. Quels sont les ajustements que nous avons ou que nous pensons réaliser dans les mandats de gestion ?

Nous avons abordé cette crise financière avec des portefeuilles globalement prudents en raison d’un volant de liquidités et de notre exposition sur des thématiques défensives, tant au niveau géographique (surpondération des Etats-Unis vs l’Europe), que sectoriel (surpondération de la santé et des services au consommateur). Nous avons, tout au long de la correction des bourses, renforcé graduellement le poids des actions dans les mandats. Ce processus a été finalisé fin mars avec un retour à la neutralité de la poche actions pour l’ensemble des portefeuilles. Le choix de nos investissements a essentiellement obéi à deux lignes directrices : la solidité des bilans d’une part, et/ou la visibilité et la résilience de l’activité de des sociétés d’autre part. Ces deux filtres, associés à l’impératif d’avoir, selon notre valorisation interne, un potentiel de hausse supérieur à 10%, nous ont conduits à acheter ou à renforcer encore tout récemment des titres comme Air Liquide, ASML, Legrand ou Atos. S’agissant des investissements via des OPC, nous avons renforcé Candriam Innovation, Axa Robotech et initié une position sur Morgan Stanley US Advantage. La très forte volatilité des marchés nous a également permis d’initier une position sur l’Oréal, redevenue investissable selon notre valorisation interne ; ligne que nous avons revendue par la suite dans le rebond des indices, une fois notre objectif de cours atteint.

S’agissant de la poche obligataire de nos mandats de gestion, nos capacités d’arbitrage sont plus limitées à court terme en raison de l’illiquidité des marchés d’obligations privées. Malgré notre absence d’exposition aux emprunts de notations spéculatives (« High Yield »), la valorisation de nos portefeuilles obligataires a été négativement impactée par nos positions sur les obligations privées de bonne qualité (« Investment Grade ») qui ont également souffert du mouvement général d’aversion au risque. Notre objectif est de renforcer nos expositions sur ces titres, qui profitent directement du programme de rachats de la BCE (« QE »), une fois la liquidité de transaction revenue.    

 

Rédigé par la Direction de la Gestion Sous mandat de la Banque Privée BPE le 1er avril 2020 à 10 h 00