Dirigeants d'entreprise

Transmission d'entreprise : les clés de l'apport cession

Le 13/10/2020
La transmission de l’entreprise est une étape importante dans la vie d’un dirigeant propriétaire de son entreprise. Ses impacts sont multiples tant au niveau professionnel que personnel.

La croisée des chemins

Dans la période précédant immédiatement la vente, l’effet d’accélération peut-être violent. Il faut être prêt à poser des actes, tracer à grands traits les bases d’un après.

Garder une longueur d’avance

Dans cette période délicate où se cristalliseront les enjeux, le dirigeant avisé aura en amont :

  • pris du recul pour s’interroger sur ses objectifs patrimoniaux et professionnels au-delà de la cession de l’entreprise,
  • constitué une équipe pluridisciplinaire (réseau d’accompagnement, avocat spécialisé, expert-comptable, notaire, banquier privé) pour être éclairé sur les options structurantes adaptées à sa situation.

Le droit fiscal poursuit l’objectif d’être le moins pesant possible afin de favoriser les transmissions d’entreprises. Mais la décision de mettre en place tel ou tel dispositif dépendra de multiples facteurs. Et notamment selon que la transmission se fait dans un cadre familial ou non, selon que l’entrepreneur envisage de cesser toute activité ou au contraire de se lancer dans un nouveau projet.

Les clés pour comprendre l’apport-cession

Depuis 2018 et la mise en place de la Flat Tax à 30%, la fiscalité des plus-values de cession de droits sociaux (sociétés à l’IS) par le dirigeant a été largement simplifiée. Voir notre article "Tout savoir sur la fiscalité avant de céder votre entreprise en 2020"
Cependant, lors de la cession d’une participation détenue directement par le dirigeant, celui-ci peut avoir intérêt avant de vendre à apporter tout ou partie de sa participation à une holding de réinvestissement qu’il contrôlera.

Une holding pour réinvestir

Apport > Cession > Réinvestissement

On parle d’apport-cession. Il s’agit pour l’associé de réaliser trois opérations successives.

  1. L’associé va tout d’abord apporter sa participation à une holding qu’il contrôle
  2. La holding va ensuite céder cette participation
  3. La holding va enfin réinvestir une partie du prix de cession dans une nouvelle activité économique

 

Schéma transmission entreprise

Le mécanisme fin du report d’imposition (article 150-0 B ter du Code Général des Impôts)

Les plus-values d’apport de titres à une société peuvent relever, sous de multiples conditions, d’un régime de report d’imposition automatique. Pour ce faire, l’apport doit notamment être réalisé en France ou dans un  pays membre de l’UE, la société bénéficiaire de l’apport doit être non seulement soumise à l’impôt sur les sociétés mais également directement ou indirectement contrôlée par l’apporteur.

Ainsi la plus-value d’apport est calculée mais son imposition est reportée.

 

Ce report d’imposition prend fin dans plusieurs situations :

  • lorsque les titres reçus en rémunération de l’apport sont cédés ou le capital de la holding est réduit,
  • en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (exit tax),
  • en cas de donation des titres suivie de leur cession, apport, remboursement ou annulation dans un certain délai (voir plus loin),
  • enfin, en cas de cession, rachat, remboursement, ou annulation (réduction de capital ou dissolution) des titres de la filiale dans un délai de trois ans à compter de l’apport,

Dans cette dernière situation, la loi prévoit toutefois que le report soit maintenu si la holding réinvestit dans un délai de deux ans suivant la cession désormais au moins 60 % du produit de la cession dans une activité économique. Il peut s’agir d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exception de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier.

 

Ce réinvestissement peut prendre plusieurs formes :

  • La création d’une activité éligible par la holding
  • la prise de contrôle d’une société exerçant une activité économique éligible
  • la souscription au capital ou à l’augmentation de capital d’une société éligible
  • la souscription de parts ou actions de certains fonds de capital investissement

Un tel réinvestissement d'une partie du prix de cession permet de conserver le report sur la totalité de la plus-value.
Le solde du prix de cession peut être librement employé par exemple en investissant dans les actifs patrimoniaux, en servant à développer les investissements immobiliers de la hoolding ou de filiales ou encore être diversifiés en actifs tangibles, private equity, contrat de capitalisation, gestion sous mandat ou encore en placements privés.

De même si l'apport est réalisé plus de 3 ans avant la cession, aucune contrainte ne pèse sur la holding qui peut mener alors sa politique de réinvestissement en panachant librement activités économiques et/ou patrimoniales.

C'est parfois la question de la juste évaluation des titres, du sort fiscal de leur valorisation entre l'apport et la cession ou encore les engagements pris par ailleurs dans les pactes d'actionnaires qui limitent ou diffèrent la possibilité de constitution de la holding

 

Nouveautés 2020

Pour les cessions réalisées depuis 2019 de titres apportés préalablement, la holding peut justifier du réinvestissement économique en souscrivant des parts et actions de fonds de capital-investissement éligibles. Pour les cessions opérées à partir de 2020, la loi de finances a à la fois assoupli les quotas d’investissement et allongé leurs délais pour réinvestir.  

A noter : en cas de non-respect de la condition de réinvestissement (volume insuffisant, réinvestissement hors délai, trop bref ou dans une activité non éligible), le report cesse et l‘impôt est dû, majoré le cas échéant d’un intérêt de retard.

Qu’advient-il du report d’imposition en cas de donation de la holding ou de décès du dirigeant ?

S'agissant du report d’une plus-value privée, celle-ci  est en principe « purgée » en cas de succession ou de donation.

Toutefois, lorsque la donation est faite au profit d’un donataire ayant le contrôle de la société émettrice des titres donnés, par exemple un enfant repreneur de l’entreprise, le report est maintenu et transféré à la charge du donataire. La purge de la plus-value reste possible à condition qu’il conserve les titres transmis pendant au moins 18 mois. 

Pour les dons et donations réalisés à compter du 1er janvier 2020, l'obligation de conservation par le donataire est portée à 5 voire 10 ans pour un réinvestissement dans une structure de capital investissement.

 

Lorsqu’elle est envisagée, une telle réflexion sera réalisée le plus en amont possible de la cession de l’entreprise avec l’accompagnement de vos conseils habituels (notaire, banquier privé, expert-comptable, fiscaliste…).

 

Article rédigé le 13 octobre 2020
par Joris Picard, ingénieur patrimonial, Banque Privée BPE