Focus marché

FLASH INFO pour nos clients en gestion sous mandat - Les marchés s'ajustent à la crise sanitaire dans les pays développés

Le 17/03/2020 par Rachid Medjaoui
Le recul des bourses, et plus globalement des cours des actifs financiers dits risqués, s’est amplifié en ligne avec l’accentuation de la crise sanitaire et des mesures de confinement. Des actions de soutien monétaire et budgétaire ont été annoncées par les banques centrales et les gouvernements des pays dorénavant au centre de l’épidémie du coronavirus. Nous vous proposons dans ce flash de vous donner notre lecture de ce nouveau stress sur les marchés financiers et de vous communiquer les principales informations relatives aux opérations de gestion financière que nous avons réalisées pour adapter les portefeuilles, ainsi que les orientations stratégiques que nous pourrions mettre en œuvre dans les prochains jours ou semaines.

1. Comment peut-on qualifier la chute des marchés financiers ?

Nous observons des sévères ajustements sur l’ensemble des places financières. Compte tenu de la rapidité de ces chocs financiers, la situation est clairement inédite. Nous commençons à manquer de repères historiques. Si l’on prend le marché américain comme référence (c’est à Wall Street que l’on a la profondeur historique la plus longue), nous avons eu le déclenchement d’un marché baissier, ce que les professionnels appellent un  « bear market »  (baisse moyenne des cours supérieurs à 20%), le plus rapide de l’histoire. Les records d’octobre 29 et d’octobre 87 ont été battus.

2. Quelles anticipations ces chutes de cours intégègrent-elles ?

Ces reculs d’une ampleur rarement vue incorporent très clairement l’entrée en récession des principales économies sur le premier semestre et la baisse des profits des sociétés. Compte tenu des mesures de confinement déjà prises, qui risquent de se transformer en véritable couvre-feu, une contraction économique semble difficilement évitable. Pour autant, il est extrêmement compliqué, voire hasardeux,  d’estimer cette perte de croissance économique. Par ailleurs, une partie significative des ventes n’a pas été motivée par des anticipations macroéconomiques ou par les résultats des entreprises. Ces ventes sont en fait liées à des débouclements forcés ou quasi automatiques provoqués en particuliers par des algorithmes qui «s’affolent» lorsque la volatilité des actifs financiers monte en flèche. C’est pour cette raison qu’il faut se garder de chercher à trop rationaliser ces reculs de cours impressionnants. Dit autrement, certains titres, marchés ou actifs sont entrés en zone d’exagération pour cause de liquidations forcées. Une des plus fortes convictions que nous conservons concerne la nature transitoire de cette chute brutale de l’activité économique et des profits. Tous les chocs économiques exogènes (qui ne sont pas liés à des déséquilibres économiques) ont suivi cette séquence : chute des PIB sur 1 ou 2 trimestres puis rebond plus ou moins marqué sur les trimestres suivants.

3. Les réactions des autorités et budgétaires sont-elles suffisantes ?

Les banques centrales ont réagi beaucoup plus rapidement que lors de la crise de 2008. La Réserve Fédérale, dans le cadre d’un dispositif d’urgence, a réduit en à peine 2 semaines ses taux de 1.5 points  pour les porter autour de 0%. Elle a par ailleurs relancé son programme d’assouplissement quantitatif, c’est-à-dire de rachats d’emprunts d’obligataires («Quantitative Easing » ou «QE»), et mis à la disposition des banques commerciales et de certains intervenants plus de 1000 milliards de liquidités à taux préférentiel. Enfin, et cette mesure est cruciale pour le système bancaire international, La Fed a fourni aux autres banques centrales des lignes de financement en dollars américains sous forme d’échanges croisés de devises (swap). Les autres grandes institutions financières étatiques ont également pris des mesures d’assouplissement significatives en baissant les loyers de l'argent, lorsque ces derniers étaient encore positifs, et en accroissant les montants de liquidités et de rachats d’actifs. La Banque Centrale Européenne a bien entendu participé à ce mouvement qui ressemble de plus en plus à des actions coordonnées de détente monétaire mondiale.

Ces mesures sont indispensables pour éviter un assèchement des liquidités et des financements domestiques et internationaux et donc un scénario à la Lehman Brothers. En revanche, elles sont peu efficaces pour contrecarrer l’impact récessif de double choc d’offre et de demande. C’est pour cette raison que les Etats ont pris des mesures de soutien, notamment pour prendre en charge le coût du chômage partiel, l’incapacité des entreprises de faire face à leurs obligations fiscales et enfin pour garantir les prêts bancaires des banques aux PME. Compte tenu de l’ampleur que prend cette crise sanitaire, il est acquis que ces plans budgétaires devront être très sensiblement renforcés (plusieurs points de PIB) afin de protéger le tissu économique et social. Il faudrait également que ces politiques budgétaires très expansionnistes soient mieux coordonnées au niveau international, ou a minima au plan européen, afin notamment d’accroître leur efficacité et surtout, de maintenir la confiance des ménages, des entreprises et des investisseurs dans la capacité du système économique et financier à rebondir par la suite. Plus globalement, la nature de ce choc économique laisse penser que les Etats vont devoir assurer un rôle de « sauveur » en dernier ressort.      

4. Quels enseignements tirer des pays précédemment touchés par la crise du coronavirus ?

Alors même que les pays européens et les Etats-Unis rentrent dans « l’œil de ce cyclone viral », nous avons des nouvelles plutôt réconfortantes venant d’Asie. Le nombre de nouveaux cas d’infection est en très net ralentissement en Chine et en Corée du Sud. L’exemple chinois prouve que des mesures effectives et drastiques de confinement sont efficaces pour limiter dans un premier temps la « hauteur » du pic du nombre d’infections puis dans un second temps endiguer graduellement l’épidémie. Grâce cette stratégie sanitaire sans précédent, qui va se traduire par une chute brutale du PIB sur le premier trimestre, l’activité économique semble dorénavant repartir graduellement dans l’Empire du Milieu. Cette estimation est basée sur des indicateurs « temps réels » comme le nombre de voyageurs dans le métro, le nombre de ventes immobilières ou … les indices de pollution. L’indice synthétique calculé par la banque digitale de Tencent Webank (« China Economic Recovery Index ») donne un niveau de l’ordre de 75% après être tombé à 25%.

5. Quels sont les ajustements que nous avons ou que nous pensons réaliser dans les mandats de gestion ?

Nous avons abordé cette crise financière avec des portefeuilles globalement prudents en raison d’un volant de liquidités et de notre exposition sur des thématiques défensives, tant au niveau géographique (surpondération des Etats-Unis vs l’Europe), que sectoriel (surpondération de la santé et des services au consommateur). Par la suite, et face à des mouvements de marchés inédits, nous avons continué de piloter les mandats de gestion en fonction de deux lignes directrices. D’une part, nous avons cherché à avoir un pilotage différencié du risque global de nos portefeuilles. Nous avons tout au long de la correction des bourses renforcé graduellement le poids actions global sur les mandats offensifs afin de revenir, à partir de -30% sur les grands indices européens, sur des niveaux d’expositions quasi en ligne avec les normes historiques moyennes. En revanche, ce renforcement a été plus limité et plus progressif sur les mandats   défensifs, prudents et équilibrés.  D’autre part, nous avons profité de la dislocation des marchés pour initier des positions sur des valeurs qui affichaient de nouveau, selon notre valorisation interne, un potentiel de hausse supérieur à 10% et dont les résultats devraient être, relativement à la moyenne du marché, plus résilients à ce choc économique transitoire. Nous sommes conscients que les facteurs techniques et le manque de visibilité sur l’évolution de la crise sanitaire peuvent encore créer des séquences de forte volatilité sur les marchés financiers. Pour autant, nous continuerons de gérer les mandats de gestion dans une perspective de création de valeur de moyen terme qui devrait reprendre ses droits une fois que cette crise du coronavirus aura touché son pic.  

 

Rédigé par la Direction de la Gestion Sous mandat de la Banque Privée BPE le 16 mars 2020 à 17 h 00