Fiscalité

Vendre un bien démembré : et après ?

Le 12/12/2017
La vente d’un bien immobilier familial peut être une décision difficile à prendre, si bien qu’elle l’est parfois de manière précipitée.

Les raisons de la vente peuvent être multiples : difficultés de gestion, nouveau projet, besoins financiers urgents ou  simple opportunité à saisir. Il faudra l’accord de tous si le bien appartient à plusieurs membres de la famille.
Les vendeurs devraient systématiquement se projeter sur le devenir de la somme d'argent issue de la vente avant même la signature de l'acte de vente chez le notaire.


Astrid et Jean-Philippe

Astrid et Jean-Philippe ont 53 ans, Ils sont mariés en séparation de biens. Ils ont ensemble deux enfants Céleste (21 ans) et Valentin (18 ans).


Comme une envie de nature

Il y a 20 ans, ils ont eu un coup de cœur pour une résidence secondaire dans l’arrière-pays Normand. Ils en ont fait l’acquisition à parts égales. Il y a 10 ans, ils ont réalisé la donation-partage de cette maison à leurs enfants pour qu’elle reste dans la famille tout en conservant l’usufruit leur permettant d’en profiter leur vie durant.


Changement de programme

Finalement Astrid a saisi une opportunité professionnelle en Aquitaine. La famille a quitté la région parisienne. Le petit paradis normand représente désormais plus une charge financière et les parents n’envisagent plus d’y passer leur retraite.

 

Vendu !

Un compromis est rapidement signé et le compte à rebours pour la vente est lancé. Après impôt sur la plus-value ils disposeront de 450 000 €.

Si aucune décision n’est prise en amont, la vente mettra fin au démembrement.


Laisser faire

Si rien n’est décidé avant la vente, le notaire partagera les capitaux. Chacun placera les capitaux à sa guise en pleine propriété.
Le notaire a calculé* que les parents recevront 225 000 € (50%)  au titre de leur usufruit et les enfants tout autant, soit 112 500 € disponibles pour chacun.

Astrid et Jean-Philippe sont pris en étau entre la préoccupation de préparer leur retraite et laisser leurs enfants disposer de capitaux conséquents avant la fin de leurs études.


Définir un objectif partagé

En accord avec leurs enfants, ils décident de réinvestir l’ensemble des capitaux en partie dans l’achat d’un nouveau bien immobilier locatif et en partie sur de l’épargne financière pour préparer un revenu disponible dans 12 ans quand ils prendront leur retraite et mener ainsi à son terme l’opération de transmission qu’ils avaient mis en œuvre il y a dix ans.


Réfléchir…

Plusieurs possibilités s’offrent à eux :
•    Laisser les parents disposer librement des capitaux en mettant en place avant la vente une convention de quasi-usufruit et les garanties qui conviennent. Les parents s’engageant à restituer aux enfants la somme de 450 000 € au jour de leur succession.
•    Associer les enfants à la gestion et au développement futur du patrimoine en convenant du report du démembrement sur des actifs choisis en famille.


…pour décider

Parents et enfants choisissent de conclure une convention de report du démembrement. Préparée avec le notaire elle sera mentionnée dans l'acte de vente de la maison.


La stratégie retenue

L’intégralité prix de vente net d’impôt de plus-value sera apportée à une société civile à constituer.
En échange les parents demanderont à recevoir l’usufruit des parts et les enfants la nue-propriété.
Les parents pourront être nommés gérants de la société et bénéficier des revenus distribués à l’avenir.
Après leurs décès, la pleine propriété des parts se trouvera consolidée sans fiscalité dans le patrimoine des enfants.


Une vision dynamique de la gestion du patrimoine

La réussite à long terme des opérations dépendra de la mise en place d’une dynamique d’investissement pour développer le patrimoine familial.
•    Une partie des fonds sera consacrée à la constitution d’une épargne financière sous la forme d’un contrat de capitalisation par la société civile.
•    L’autre partie des capitaux pourra servir d’apport à des investissements immobiliers locatifs en complément d’un crédit immobilier d’une durée de 12 ans. L’effet de levier du crédit permettra alors de dégager des revenus plus importants au terme du remboursement de l’emprunt précisément au moment où les parents dès lors retraités en auront le plus besoin.

Pour aller plus loin

Pour être réellement maîtrisés au-delà de la définition d’une stratégie d’ensemble, ces choix patrimoniaux devront être effectués en conscience des impacts comptables, juridiques et fiscaux qu’ils impliquent.
•    Au plan fiscal, on mesurera par exemple au niveau de la société l’intérêt d’opter ou non l’impôt sur les sociétés, et l’on prendra en compte également l’impact du nouvel impôt sur la fortune immobilière sur le patrimoine personnel des associés.
•    Au plan comptable, si une société civile familiale n’ayant pas opté pour l’impôt sur les sociétés n’est pas tenue de tenir une comptabilité commerciale, il est recommandé d’en tenir une simplifiée pour pouvoir répondre aux demandes des associés ou de l’administration.
•    Au plan juridique, la vie d’une société civile doit être démontrable, ce qui requiert le respect de quelques contraintes et d’un certain formalisme dès sa constitution puis chaque année par l’organisation d’assemblées générales et la fourniture d’imprimés fiscaux tant aux associés qu’à l’administration fiscale.

*sur la base du barème fiscal d'évaluation de l'usufruit en vigueur à la date de publication de l’article.